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L’empathie sur le lieu de travail
Comment l’empathie participe à une meilleure collaboration

© Photo by Jason Goodman on Unsplash
Au-delà de l’attention portée à ses propres émotions, il est aussi très important de considérer les émotions exprimées par autrui et de se placer dans une posture propice à l’interaction. Dans ce contexte, l’empathie est souvent présentée comme un comportement vertueux et bénéfique à l’interaction sociale. Pourtant, il arrive fréquemment de se méprendre sur ce qu’est réellement l’empathie. Le terme empathie est fréquemment utilisé dans le langage courant, quitte à parfois être dévoyé.
Qu’est-ce que l’empathie ? Est-elle si bénéfique à nos interactions sociales ? A-t-elle vraiment sa place dans le quotidien de travail ?
Empathie ou contagion émotionnelle
Nous avons souvent tendance à penser qu’être empathique revient à ressentir la même émotion qu’un autre individu. Selon cette définition, être empathique impliquerait par exemple de ressentir de la tristesse face à un collègue triste. Or, d’après la littérature scientifique, ce phénomène correspondrait davantage à ce qu’on nomme la contagion émotionnelle, phénomène qui survient lorsque l’on partage un fou rire par exemple. L’empathie correspondrait plutôt à la capacité de percevoir et comprendre les états émotionnels d’un autre individu, et de ressentir en retour une émotion adaptée. Mais à la différence de la contagion émotionnelle, adaptée ne signifie pas forcément identique. De plus, dans ces situations où l’on fait preuve d’empathie, on doit pouvoir être capable de faire une distinction entre la source de l’émotion (l’autre individu) et soi-même, ce qui n’arrive pas dans la contagion émotionnelle. Ainsi, face à ce même collègue triste, l’empathie reviendrait à détecter sa tristesse mais à se placer dans une posture de réconfort, afin de pouvoir lui apporter du soutien par exemple.
Se mettre à la place de l’autre pour mieux le comprendre
Pour cela, l’empathie nécessite en premier lieu de porter attention aux signaux émotionnels envoyés par autrui. Nous sommes naturellement sensibles aux informations qui sont véhiculées par les visages, les gestes, les postures des individus qui nous entourent. Nous sommes donc capables de détecter des changements émotionnels subtils chez nos interlocuteurs, surtout si l’on y prête attention.
Cependant, il n’est pas toujours simple de déployer le bon comportement car il faut pouvoir comprendre la perspective d’autrui et ressentir une émotion appropriée. D’une part, comprendre le point de vue de son interlocuteur n’est pas toujours chose facile, car nous avons spontanément tendance à être focalisé sur notre propre point de vue [2]. De ce fait, adopter la perspective d’un autre individu représente un coût pour notre cerveau car il est alors nécessaire de résister à nos propres biais égocentriques. D’autre part, l’émotion que l’on ressent face à un individu en détresse peut varier en fonction de nombreux facteurs, dont la proximité sociale par exemple. En effet, plusieurs études indiquent que les réseaux du cerveau impliqués dans l’empathie s’activent de façon similaire lorsque l’on s’imagine soi-même souffrir ou lorsque l’on imagine un être cher souffrir, mais s’activent moins lorsque nous imaginons un inconnu souffrir. Les liens sociaux entre les individus peuvent donc impacter l’empathie. Il est donc important de créer des liens entre les salariés d’une entreprise, mais aussi entre un manager et son équipe pour favoriser les postures empathiques, nécessaire aux interactions sociales saines au quotidien.
L’empathie et la réalité virtuelle
Récemment, la recherche s’est penchée sur la question de l’empathie en utilisant la réalité virtuelle. Ce medium s’avère particulièrement intéressant dans ce contexte puisqu’il a la capacité d’immerger quasi-instantanément les utilisateurs dans des environnements inédits, en leur montrant ce que ce serait que de vivre une situation spécifique du point de vue de quelqu’un d’autre. Des contenus en réalité virtuelle existent en effet pour nous mettre dans la peau d’un·e enfant, d’une personne en fauteuil roulant, pour appréhender la façon dont il·elle·s perçoivent le monde.
Ainsi, en faisant adopter la perspective d’un inconnu et en nous faisant ressentir ses émotions, la réalité virtuelle a la capacité d’approfondir la compréhension que l’on a de cette personne, mais également de renforcer le lien émotionnel avec elle [3]. Bien entendu, il ne s’agit pas d’avoir forcément recours à cet outil dans nos interactions quotidiennes, mais plutôt de considérer que ce que la réalité virtuelle met en jeu peut profiter aux interactions sociales.
De la même manière, faire des exercices qui nous incitent à nous mettre dans la peau de notre interlocuteur, à imaginer ce qu’il pense, souhaite, ressent, pourrait favoriser la compréhension de son point de vue et l’adoption d’une posture empathique adaptée.
L’empathie impactée par le niveau hiérarchique
La question de l’empathie est particulièrement intéressante dans le contexte de l’entreprise, où l’on valorise ou encourage parfois les comportements froids et objectifs.
Or, une étude à très récemment mis en évidence l’impact délétère de cette injonction sur la capacité naturelle à ressentir de l’empathie et de la compassion pour autrui [4].
De plus, il a été montré que l’empathie souffre des relations hiérarchiques au travail : lorsque l’on monterait en hiérarchie, on perdrait cette tendance à réagir aux émotions d’autrui [5]. Pourtant, on sait qu’une plus forte empathie se traduit par une meilleure capacité à entretenir des relations sociales saines, et que la qualité des interactions est très bénéfique pour le quotidien de travail. Il semble donc essentiel de promouvoir ce comportement, aussi bien dans les sphères personnelles que professionnelles. Notamment, les opérations où les collaborateur·rice·s sont invité·e·s à partager leur quotidien de travail, ou même à échanger leur poste avec un·e de leurs collègues, peuvent permettre de découvrir et mieux comprendre l’autre, et donc s’avérer fructueuses pour la cohésion des équipes.
Références :
[1] Decety, J. (2010). The neurodevelopment of empathy in humans. Developmental neuroscience, 32(4), 257-267.
[2] Epley, N., Keysar, B., Van Boven, L., & Gilovich, T. (2004). Perspective taking as egocentric anchoring and adjustment. Journal of personality and social psychology, 87(3), 327.[3] Schutte, N. S., & Stilinovi?, E. J. (2017). Facilitating empathy through virtual reality. Motivation and Emotion, 41(6), 708-712.
[4] Wondra, J. D., & Morelli, S. (2018, October 13). Limitations of the Evidence that Perspective Taking Increases Empathy.
[5] Guinote, A. (2017). How power affects people: Activating, wanting, and goal seeking. Annual Review of Psychology, 68, 353-381.
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