Couleur de peau, orientation sexuelle, genre, mais aussi comportements addictifs, boisson préférée, ou encore village natal… Tels sont quelques-uns des critères sociaux grâce auxquels nous sommes en mesure de catégoriser les personnes qui nous entourent. Si certains nous réunissent, d’autres peuvent être à l’origine de comportements discriminatoires. Travailler à une amélioration des formations pro-diversité, c’est se donner l’opportunité de faire reculer les a priori et stéréotypes.
Des catégories sociales sources de discrimination
Si nous avons tendance à l’oublier, nous restons des animaux sociaux évoluant dans un univers social complexe. Nous sommes ainsi tou·te·s doté·e·s de mécanismes grâce auxquels nous catégorisons les individus en différents groupes, plus ou moins proches de nous, et auxquels nous nous sentons appartenir ou non. Certain·e·s se rapprocheront après s’être découvert une même origine géographique, d’autres parce qu’ils et elles partagent une passion sportive ou culturelle, etc.
Mais catégoriser peut aussi nous opposer les un·e·s aux autres, à partir d’a priori non déconstruits. Et si de nombreuses campagnes en faveur de la diversité au travail sont régulièrement mises en place, les résultats restent peu satisfaisants par manque d’adaptation et techniques inadaptées aux publics visés.
Quels leviers rendraient ces formations plus efficaces ? La recherche en sciences cognitives suggère des pratiques susceptibles d’améliorer les bénéfices des campagnes de formation pour la diversité, afin de réduire durablement les comportements discriminatoires.
Des techniques pour réduire les comportements discriminatoires
Une première technique pour réduire les comportements discriminatoires serait d’avoir des objectifs précis de transformation de ses comportements. D’après la théorie de fixation des objectifs [1], avoir des buts génère de la motivation. Cette motivation va simplifier la mise en place de comportements. Des chercheur·e·s ont adapté cette théorie à une formation pour favoriser la tolérance envers les personnes LGBTQ+.
[2] Deux groupes de participant·e·s ont été recrutés pour suivre une formation : les membres du groupe 1 devait se fixer des objectifs précis de réduction de leurs comportements discriminatoires (par exemple : « J’essaierai de ne pas utiliser le mot « gay » de manière péjorative » ou « Je ne rirai pas aux blagues sur l’homosexualité ») ; les membres du groupe 2 n’avaient pas d’objectifs particuliers. Les stéréotypes des participant·e·s ont été évalués trois et huit mois après la formation.
La nécessité de délimiter des objectifs clairs
Les résultats ont montré que les membres du groupe 1 ont développé davantage de comportements en soutien aux personnes LGBTQ+ trois mois après la formation. Huit mois après la formation, leurs comportements et jusqu’à leurs croyances avaient changé. A l’inverse, il n’y a eu aucun changement pour les membres du groupe 2.
Ces changements de comportements et de croyances sont d’autant plus forts que les personnes étaient volontaires pour participer à la formation. Avoir des objectifs clairs et précis de transformation des comportements semble donc être un prérequis fondamental pour permettre une réduction des discriminations.
Harmoniser nos croyances et nos comportements
Une autre technique peut améliorer nos comportements prosociaux : c’est la « dissonance cognitive ». La dissonance cognitive est une tension psychologique interne provoquée par une contradiction entre nos croyances et nos comportements. En cas de dissonance, pour revenir à un état d’équilibre, nous modifions soit nos croyances, soit nos comportements, afin qu’ils soient à nouveau en adéquation. C’est sur cet objectif que s’est concentrée une équipe de chercheur·se·s américaine, qui a développé une méthode pour réduire les discriminations envers les personnes en surpoids. [3]
Les participant·e·s à l’étude devaient remplir un premier questionnaire sur leurs propres valeurs morales, un second sur leurs perceptions des personnes en surpoids. Une semaine plus tard, quelles que soient les réponses données, les expérimentateur·rice·s signifiaient à la moitié des participant·e·s qu’ils et elles avaient de bonnes valeurs morales (signalées par un score élevé au questionnaire) mais qu’ils et elles discriminaient les personnes en surpoids – groupe avec dissonance cognitive. On indiquait aux autres participant·e·s que leurs valeurs morales étaient en adéquation avec leurs perceptions – groupe sans dissonance cognitive. Les participant·e·s devaient ensuite remplir à nouveau le questionnaire sur leur perception des personnes en surpoids.
Les résultats ont montré une réduction des perceptions discriminatoires pour le groupe en dissonance cognitive. Dans la situation inconfortable de dissonance cognitive, les individus ont modifié leurs perceptions pour se retrouver en adéquation avec leurs croyances. Cette méthode, si elle est difficile à mettre en place au quotidien, souligne l’intérêt de placer les individus face à leurs comportements discriminatoires pour les aider à modifier par eux-mêmes leurs perceptions.
Pour conclure
Favoriser l’engagement et/ou faire en sorte de dépasser les stéréotypes : telles sont les actions qui gagnent à être mises en place pour améliorer l’efficacité des formations pour la diversité au travail et la réduction des discriminations envers les populations minoritaires.
Les organisations ont leur rôle à jouer dans le choix de ces formations, la visibilité qu’elles leur donnent en interne et la faisabilité pour l’ensemble des collaborateur·rice·s. Mais c’est également à chacun·e d’agir à son échelle. Et si la simple lecture d’un article tel que celui-ci ne fera pas reculer radicalement vos préjugés ou vos comportements discriminatoires éventuels, le fait d’avoir choisi de lire l’article – et de l’avoir lu en entier – démontre votre volonté d’agir sur le sujet, ce qui est déjà révélateur de votre intention de changer vos comportements.
Références
[1] E. Locke and G. Latham, A Theory of Goal Setting & Task Performance, The Academy of Management Review, vol. 16, Apr. 1991, doi: 10.2307/258875.
[2] J. M. Madera, E. B. King, and M. R. Hebl, Enhancing the Effects of Sexual Orientation Diversity Training: The Effects of Setting Goals and Training Mentors on Attitudes and Behaviors, J Bus Psychol, vol. 28, no. 1, pp. 79–91, Mar. 2013, doi: 10.1007/s10869-012-9264-7.
[3] A. C. Ciao and J. D. Latner, Reducing Obesity Stigma: The Effectiveness of Cognitive Dissonance and Social Consensus Interventions, Obesity, vol. 19, no. 9, pp. 1768–1774, 2011, doi:.
[4] J. D. N. Bragger, E. Kutcher, J. Morgan, and P. Firth, The Effects of the Structured Interview on Reducing Biases against Pregnant Job Applicants, Sex Roles, vol. 46, no. 7–8, pp. 215–226, Jan. 2002, doi: 10.1023/A:1019967231059.