Et si le bien-être au travail passait par le passage à la semaine de quatre jours ? Après l’Islande, qui a expérimenté ce dispositif dès 2015, l’Espagne, l’Irlande, la Belgique et le Royaume-Uni lancent des tests grandeur nature. En France, les initiatives sur le sujet sont plus disparates mais concerneraient tout de même 10 000 Français, selon le ministère du Travail. En février, le ministre délégué aux Comptes publics, Gabriel Attal, annonçait le lancement d’une expérimentation dans la fonction publique de la semaine de 36 heures effectuées en quatre jours.
Au-delà d’avantages certains en termes de marque employeur ainsi que des gains potentiels de productivité, une question se pose : ce nouveau rythme de travail est-il plus adapté aux besoins biologiques des collaborateur·rice·s ?
Un jour de plus pour mieux récupérer
Notre corps dispose de ses propres rythmes. Après un épisode de « stress physiologique », dans lequel nous mobilisons nos ressources pour répondre aux défis du quotidien, notre corps a besoin de récupérer.
Ces temps de retour à l’équilibre sont de moins en moins respectés, du fait d’une plus grande porosité entre vies professionnelles et personnelles, comme le montre une étude, réalisée par Cog’X avec Lecko, sur quelque 16 000 collaborateur·rice·s A toute heure, du lundi au dimanche, de plus en plus de collaborateur·rice·s travaillent et accumulent ainsi de la fatigue.
Adopter une semaine de quatre jours présente un avantage fondamental : elle permet d’augmenter les temps de récupération. Le jour « gagné » peut être alloué à des tâches personnelles qui ne viennent plus interférer avec le travail. A terme, il serait ainsi possible de rétablir une distinction franche entre vies personnelle et professionnelle. Au travail, nos ressources cognitives seraient allouées uniquement aux tâches professionnelles. En dehors, notre corps pourrait revenir à l’équilibre.
La face obscure de la semaine de quatre jours
Derrière cette vision optimiste se cache une autre dimension plus sujet à débat. Selon les formules de quatre jours testées, les journées de travail peuvent s’allonger, si le nombre d’heures hebdomadaires reste le même. Elles peuvent également se compresser, si le nombre d’heures hebdomadaires diminue mais que la charge de travail est identique.
Dans le premier cas, l’augmentation des heures de travail consécutives pourrait maximiser l’apparition de la fatigue mentale en journée et d’accroître les erreurs. Dans le second cas, les collaborateur·rice·s et leurs managers risquent de partir à la traque de tous les moments qui ne servent pas directement leurs objectifs afin de compenser les heures « gagnées ». Et une notion essentielle du travail pourrait pâtir de cette quête de productivité : le lien social. Beaucoup préféreront gagner du temps en famille au profit de ces échanges du quotidien sur la dernière série télé ou l’organisation des prochaines vacances.
Quelle que soit la formule choisie, la question du lien social reste centrale. De la même façon qu’avec le télétravail, la réduction des jours communs travaillés impactera les opportunités d’interactions informelles. Ces liens sociaux d’apparence anodine sont pourtant la clé de voûte de nos équipes. Ils constituent le pilier de notre capital social, lui-même source de bien-être et d’interactions apaisées et plus efficientes.
Une réflexion à mener en amont avec les collaborateur·rice·s
Cette nouvelle organisation du travail présente également des avantages certains. Questionner en profondeur l’organisation du travail, laisser l’autonomie aux équipes d’identifier et de supprimer les activités conduisant à un gâchis de leurs temps et de leurs ressources cognitives : les directions qui souhaitent sauter le pas devront avancer avec prudence. Elles devront également réfléchir avec les collaborateur·rice·s pour que la charge mentale et le capital social ne soient pas les grands perdants de la mise en place de cette mesure.