Idée largement partagée : la pause aurait un rôle bénéfique sur le maintien des capacités et donc d’efficacité. Pourtant, dans les faits, nous sommes nombreux·se·s à prendre peu de pauses. . Comment notre cerveau vit-il ce rythme effréné ? Quel est l’impact d’une pause – ou de l’absence de pause – sur notre cerveau? Qu’est-ce qu’une pause reposante, et comment en tirer tous les bénéfices ?
Faire des pauses pour… produire plus et mieux
Historiquement, la pause a été mise en place dans un souci de productivité. Des industriels comme Frederick Winslow Taylor ont compris que diminuer le temps de travail total ne baissait pas la productivité, mais l’augmentait [1].
D’abord envisagée comme une façon de remédier à l’usure du corps lors d’activités pénibles, la pause est aujourd’hui également un moyen de sortir de la fatigue mentale. En effet, les performances diminuent naturellement lorsqu’on passe du temps sur une tâche qui demande de l’attention.
C’est le cas, par exemple, de la conduite automobile. Au volant, après deux heures de conduite, nous ne sommes plus en mesure de maintenir le risque accidentel à un niveau acceptable [2]. De même, pour un travail de type industriel, le nombre d’accidents augmente progressivement en lien avec le temps passé sur la tâche ; une pause de quinze minutes suffit pourtant à ramener le risque d’accident au niveau d’un début de service [3].
La pause, une pratique encore mal considérée
Malgré ces constats documentés, la pause continue d’avoir mauvaise presse. Il y a à cela plusieurs raisons. D’abord, il faudrait pouvoir être davantage à l’écoute de soi. Nous ne percevons pas toujours nos baisses de performances et alors qu’il serait plus efficace de s’arrêter quelques minutes, nous continuons notre tâche.
Et puis le mot « pause » lui-même induit l’idée de ne pas travailler sur son temps et son lieu de travail, ce qui en dérange plus d’un dans un contexte où la charge de travail semble toujours plus importante. Or pour notre cerveau, la pause est un vrai boost. Il faut donc apprendre à la réintroduire dans nos organisations de travail. Il est d’ailleurs prouvé qu’avoir l’intention de faire des pauses permet de faire effectivement plus de pauses, et de diminuer l’accumulation de fatigue en fin de journée. [4] Organiser des temps de pause réguliers dans une journée de travail semble être malheureusement le seul privilège des fumeurs. Il suffirait – pour tou·te·s – de mettre trois post-it sur son bureau en début de journée et d’en enlever un dès qu’une (vraie) pause est effectuée. Reste à définir ce qu’est une « vraie » pause…
Qu’est-ce qu’une pause efficace ?
Pour notre cerveau, une pause efficace consiste à changer la nature de la tâche. À l’inverse, s’arrêter pour faire une tâche de même nature ne permet pas de restaurer une bonne vigilance et de bonnes performances. [5]
Une expérience récente a montré que dans le cadre d’un travail manuel, faire des pauses impliquant un certain niveau de réflexion permettait de mieux restaurer les capacités des travailleurs que lorsque ceux-ci ne font rien du tout. [6] Plus cette activité mentale était difficile, meilleures étaient les performances de retour à l’activité manuelle.
De la même façon, lorsqu’une tâche demande beaucoup de réflexion ou de concentration, une pause efficace sera par exemple de réaliser une activité manuelle, ou physique (comme aller marcher), ou encore interagir avec d’autres personnes.
Pour le cerveau, une pause efficace est donc synonyme d’être actif·ve autrement. Il est par exemple délétère de regarder ses mails ou les réseaux sociaux pendant ses temps de pause si on est toute la journée sur un ordinateur, ou de continuer à travailler durant sa pause déjeuner ; c’est le fait de changer de contexte et d’activité qui assure la restauration des facultés.
Ce qu’il faut retenir
La pause fait partie intégrante d’une journée de travail productive. Elle participe également au maintien de la sécurité des collaborateur·rice·s et de leur qualité de vie. Il convient donc à chacun de respecter ce rythme naturel en s’autorisant à s’arrêter et en encourageant ses équipes à le faire. Du point de vue du collectif, les pauses peuvent être envisagées comme des occasions d’échanger de manière informelle.
Et pour vous, quelle serait la pause idéale ?
Références
[1] Taylor FW. The Principles of Scientific Management. Management. 1911;6: 144. doi:10.2307/257617
[2] Dossier de presse de la Sécurité routière. Fatigue et somnolence au volant. 2004
[3] Tucker P, Folkard S, Macdonald I. Rest Breaks and Accident Risk. Lancet (London, England). 2003;361: 680. doi:10.1016/S0140-6736(03)12566-4
[4] Blasche G, Pasalic S, Bauböck V-MM, Haluza D, Schoberberger R. Effects of Rest-Break Intention on Rest-Break Frequency and Work-Related Fatigue. Hum Factors. 2017;59: 289–298. doi:10.1177/0018720816671605
[5] Helton WS, Russell PN. Rest is best: The Role of Rest and Task Interruptions on Vigilance. Cognition. Elsevier B.V.; 2015;134: 165–173. doi:10.1016/j.cognition.2014.10.001
[6] Mathiassen SE, Hallman DM, Lyskov E, Hygge S. Can Cognitive Activities during Breaks in Repetitive Manual Work Accelerate Recovery from Fatigue? A Controlled Experiment. PLoS One. 2014;9. doi:10.1371/journal.pone.0112090