Le sentiment de développement de soi : un levier clé de la motivation et de l’engagement au travail

#Renforcer l’engagement des salarié.es

Un nouvel outil informatique est déployé au sein de votre service, toutes vos habitudes sont chamboulées. Après une période de montée en compétence, les objectifs opérationnels à atteindre sont aussi élevés qu’avant, et pourtant vous avez l’impression que votre efficacité n’est pas encore revenue à la normale, et cela finit par peser sur votre moral.
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Jordany Lacombe

Publié le 17 avril 2025

Image d'une femme représentant le sentiment de développement

Nous évaluons souvent notre satisfaction vis à vis du travail en des termes liés à la nouveauté et au développement de nos compétences : “j’apprends tous les jours”, “c’est intéressant”, “ce n’est jamais la même chose”, “Il y a de gros défis à relever”, etc. Cette nouveauté et une dose d’inattendu nécessitant de mobiliser et d’accroitre nos compétences fait partie du plaisir quotidien qui entretient la motivation au travail chez beaucoup de professionnel·les. En revanche la nouveauté n’est pas systématiquement associée à quelque chose de positif, en particulier lorsqu’elle est subie… il s’agit donc là d’un dosage subtil.

Qu’est ce que le sentiment de développement de soi au travail, d’où vient-il et surtout comment le développer pour que les salarié·es puissent renforcer durablement leur engagement ?

Qu’est-ce que le sentiment de développement de soi ?

Le sentiment de développement de soi correspond à cette impression d’évoluer, d’apprendre, de relever de nouveaux défis et de progresser dans ses capacités. Il s’agit d’un des piliers de l’engagement professionnel [1].

En effet, nombre de professionnel·les occupe un poste qu’il·elle n’aurait pas envisagé en début de carrière, mais au gré des opportunités et surtout du développement des expertises, chacun·e peut acquérir un intérêt et un attachement à son métier.

Le challenge fait partie intégrante de ce développement, puisqu’il permet de mobiliser ses capacités et de les développer au gré de nos efforts et investissements. À l’inverse, l’absence de challenge et d’opportunité est un des facteurs pouvant mener au « bore out » : cet état psychologique négatif caractérisé par une faible stimulation au travail, qui devient une véritable souffrance avec des symptômes tels que la fatigue chronique, l’incapacité de réaliser son travail, la tristesse et la honte, le désengagement total [2].

D’où vient ce besoin ? Le point de vue du cerveau

En tant qu’être humain, nous avons une tendance naturelle à rechercher la nouveauté. Notre capacité à anticiper des événements futurs est un avantage pour notre survie, puisque cela nous permet de nous préparer aux opportunités et aux dangers. Pour réussir cette anticipation, nous devons d’abord acquérir des informations sur notre environnement et les stocker dans notre mémoire en vue d’une utilisation future. Dans notre cerveau, il existe un système de motivation hérité de l’évolution qui coordonne nos pensées et nos comportements en vue d’explorer notre environnement pour acquérir ces informations [3]. Si vous vous décrivez comme curieux ou curieuse, sachez que c’est ce moteur qui est particulièrement à l’oeuvre chez vous et qui vous pousse vers l’inconnu. Ainsi, tout comme la recherche d’eau et de nourriture, la recherche de nouveauté est intrinsèquement codée dans nos circuits cérébraux.

En plus d’être un moteur, la nouveauté constitue pour notre cerveau un signal d’apprentissage entrainant une cascade de changements. Notamment, une situation ou une information nouvelle attire particulièrement notre attention, puis favorise l’encodage de la situation vécue ou de l’information dans la mémoire à long terme [3]. Aussi, la nouveauté change notre comportement : par exemple, vous vous approcherez spontanément d’un objet que vous n’avez jamais vu dans un lieu familier pour le découvrir et l’appréhender. C’est ce moteur qui peut vous pousser à tester le restaurant venant d’ouvrir dans votre quartier, à vous proposer pour un projet ou pour une nouvelle mission. Ainsi notre tendance spontanée à rechercher la nouveauté peut nous pousser à nous fixer de nouveaux objectifs, à relever des défis, à étendre et exercer nos capacités dans des domaines différents de d’habitude, à explorer de nouvelles choses. Cette appétence conduit à l’amélioration de nos capacités d’apprentissage et d’adaptation, et augmente notre motivation pour nous engager ou rester engagé·e dans une activité.

Comment le développer dans son environnement de travail ?

Tout d’abord, avoir des opportunités régulières d’apprendre et développer ses capacités est essentiel pour stimuler le sentiment de développement de soi. Pour les managers, cela peut consister à déléguer des tâches et des missions inédites en fonction des intérêts et des ambitions de chacun·e, à interroger explicitement les compétences à développer – par exemple lors des entretiens annuels et co-construire des occasions pour y arriver (projets, formation, responsabilité, tuteur·rice, etc.). Pour les RH, il s’agit de promouvoir la mobilité interne, ou valoriser les apprentissages croisés entre métiers.

Aussi, la stimulation quotidienne peut venir de l’enrichissement apporté par les autres et leurs points de vue. Le fait de travailler en binômes, de collaborer au-delà de son équipe directe, de découvrir des métiers, des missions et des environnements différents, peut apporter de nouvelles dimensions à la compréhension et à la manière de faire son propre travail et ainsi entretenir l’intérêt.

Attention cependant, car la nouveauté n’est pas toujours la bienvenue. Certaines personnalités « ouvertes à l’expérience » auront tendance à rechercher et à apprécier les nouvelles expériences et les idées nouvelles. Ce trait est d’ailleurs associé à une meilleure satisfaction vis-à-vis de sa carrière professionnelle, notamment car ces personnes saisissent plus d’occasions d’essayer des emplois dans lesquels elles finissent par trouver leur bonheur [4]. Aussi, au-delà de notre personnalité, nos expériences passées peuvent nous rendre plus ou moins enthousiastes face à la nouveauté. Dans tous les cas, trop de changements imposés, sans préparation ou sans choix, peuvent avoir l’effet inverse et entrainer démotivation et désengagement.

En résumé, le besoin de développement de soi est une composante fondamentale de notre engagement au travail. Ce ressort est soutenu par des mécanismes cérébraux et psychologiques spécifiques qui nous poussent vers la nouveauté, l’exploration et le challenge. Nourrir ce sentiment au travail, c’est favoriser l’engagement durable et installer un cercle vertueux où nous nous sentons compétents et acteurs.

Retrouver l’ensemble de notre série d’article sur la motivation au travail en suivant ce lien.

Références

[1] Ryan, R. M., & Deci, E. L. (2000). Self-determination theory and the facilitation of intrinsic motivation, social development, and well-being. American Psychologist, 55(1), 68-78.

[2] Özsungur (2020) The Effects Of Boreout On Stress, Depression And Anxiety In The Workplace. Business And Management Studies **8(2):1391-1423

[3] Kesner et al. (2022) Seeking motivation and reward: Roles of dopamine, hippocampus, and supramammillo-septal pathway. Progress in Neurobiology 212

[4] Krebs et al. (2009) Personality Traits Are Differentially Associated with Patterns of Reward and Novelty Processing in the Human Substantia Nigra/Ventral Tegmental Area. Biological Psychiatry, Volume 65, Issue 2,

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