Évolution rapide des outils, des méthodes de travail, des technologies… Difficile aujourd’hui de se projeter dans nos métiers à cinq, dix ou quinze ans. Dans ce contexte de bouleversement et d’incertitude, la question de l’apprentissage se pose aujourd’hui en termes de capacité à s’adapter et à acquérir rapidement de nouvelles connaissances et compétences. Savoir apprendre devient la clé, une compétence transverse ( aux collaborateur·rice·s de demain.
Mais si nos différents contextes absorbent de grandes transformations, notre cerveau, lui, n’a pas évolué. Mieux comprendre comment il apprend peut nous permettre de faire face aux enjeux de transformation, et favoriser l’appropriation des connaissances et des compétences.
L’attention, point de départ à la mémorisation
Peter Brown et Henry Roediger, deux chercheurs américains en sciences cognitives, ont mis en évidence l’existence de facteurs fondamentaux à l’apprentissage efficace – des facteurs universels, dans le sens où ils sont communs à chaque individu, quel que soit le type d’apprentissage. [1] Stanislas Dehaene, chercheur en sciences cognitives au Collège de France, présente ces fondamentaux sous la forme de quatre piliers essentiels favorables à une montée en compétence durable.
Contrairement à ce que nous fait croire notre cerveau, nous ne pouvons porter notre attention que sur un nombre limité d’informations (LIEN Surcharge cognitive au travail : comment agir?) à chaque instant. Or, pour apprendre, la première étape est bel et bien d’écouter et non d’entendre, de regarder et non de voir – autrement dit, d’être attentif pour prendre pleinement conscience des informations à mémoriser. Mais l’attention n’est pas tout : le respect de quatre piliers est nécessaire à une mémorisation efficace et pérenne.
L’engagement, un effort nécessaire
Face à une vidéo ou un Mooc qui capte notre attention, on peut avoir le sentiment de tout comprendre et de tout retenir. Pourtant notre cerveau n’apprend pas lorsque nous recevons passivement les informations. Il est nécessaire de s’engager dans l’apprentissage. Car en activant notre mémoire à long terme, nous stockons l’information. Par exemple, face à une situation où nous devons résoudre un problème par nous-même, nous sommes mobilisés, ce qui pré-active nos réseaux de mémoire. [2] L’effort investi va de paire avec un apprentissage efficace.
Si la tendance est à l’apprentissage ludique et facile, il ne faut pas oublier qu’une certaine difficulté, bien calibrée et au service de l’apprenant·e·s, est nécessaire. Certaines plateformes reposant sur ces piliers fondamentaux s’appliquent désormais à mettre cette « » au cœur de leur méthode pour une montée en compétence sérieuse.
Comment nous réagissons face à la menace du stéréotype
Ainsi donc, l’activation d’un stéréotype chez un individu a des conséquences fortement délétères, et ce que l’individu adhère ou non au stéréotype qui lui est attribué. Plusieurs mécanismes expliquent ce phénomène :
- nos capacités cognitives étant limitées, l’apparition de pensées parasites et une forme d’anxiété viendrait réduire les capacités que nous pourrions allouer à la tâche en question, perturbant le fonctionnement de notre mémoire de travail et augmentant notre charge cognitive [6]
- le phénomène d’amorçage : lorsqu’une information nous est présentée, elle va activer dans notre cerveau des schémas mentaux dont certains pourront être utilisés dans la réalisation de la tâche, et vont ainsi conditionner, du moins en partie, nos capacités à résoudre cette tâche.
Le test, étape essentielle à l’apprentissage
Test, évaluation, mise en situation ou résolution de problème : face à une question ou une situation qu’on doit résoudre, nous mobilisons nos connaissances et compétences. Cette mobilisation consolide nos connaissances préalables ou nouvellement acquises. Car le test permet…
- de faire ce qu’on appelle « l’effort de rappel » : on va chercher, sans aide ni indice, l’information dans notre mémoire. Ce processus renforce dans notre cerveau les chemins pour y accéder, et l’information devient alors davantage accessible [3] ;
- d’obtenir des corrections et feedback plus efficaces que s’il n’y a pas eu d’effort de rappel – en particulier s’il y a eu des erreurs. [4] Si l’on se trompe, notre cerveau intègre qu’il a commis une erreur de prédiction grâce à la correction et ajuste sa représentation interne, nos connaissances, nos raisonnements. Il est donc essentiel de valoriser l’essai et l’erreur comme partie intégrante de tout apprentissage.
L’ancrage : se laisser le temps d’oublier
Consolider son apprentissage sur le long terme implique de prendre son temps et d’étaler dans l’agenda les sessions de formation. Si on accorde trois heures à un sujet, mieux vaut opter pour trois sessions d’une heure qu’une seule session de trois heures. Pour le même temps d’apprentissage total, l’efficacité de mémorisation sera décuplée.
La répartition des sessions dépend du résultat escompté. Si vous souhaitez maîtriser une compétence à court terme, vous pouvez rapprocher les sessions sur quelques jours (le sommeil jouant un rôle crucial dans la consolidation des savoirs) ; mais si vous souhaitez vous en souvenir dans trois ou six mois, il vaut mieux laisser plusieurs jours, voire plusieurs semaines entre chaque session. [5]
Ce dernier pilier n’est pas le plus simple à mettre en place. Il peut être frustrant de devoir se replonger plusieurs fois dans la même thématique avant de la maîtriser ; mais cet étalement est indispensable à un ancrage durable de l’apprentissage.
Pour conclure
La formation professionnelle revêt aujourd’hui des formes diverses depuis l’apprentissage en situation aux outils développés spécifiquement. En créant les conditions nécessaires au respect des piliers fondamentaux, essentiels à un apprentissage de qualité, les organisations font le choix d’une politique de formation vers une montée en compétence durable et renouvelable.
Et pour celles et ceux qui douteraient de leur capacité à apprendre, une bonne nouvelle : les neurosciences nous apprennent que notre cerveau est plastique. L’apprentissage est possible tout au long de la vie. Et plus on apprend, plus on est capable d’apprendre. [6]
Références
1. P. C. Brown, M. A. McDaniel, H. L. Roediger, Make it stick: the science of successful learning (Belknap Press of Harvard Univ. Press, 2014).
- M. M. Bradley, V. D. Costa, V. Ferrari, M. Codispoti, J. R. Fitzsimmons, P. J. Lang, Imaging distributed and massed repetitions of natural scenes: spontaneous retrieval and maintenance, Hum. Brain Mapp.36, 1381–92 (2015).
[3] H. L. Roediger, J. D. Karpicke, Test-enhanced learning: taking memory tests improves long-term retention, Psychol. Sci. 17, 249–55 (2006).
[4] J. Metcalfe, Learning from Errors, Annu. Rev. Psychol.68, 465–489 (2017).
[5] C. D. Smith, D. Scarf, Spacing Repetitions Over Long Timescales: A Review and a Reconsolidation Explanation, Front. Psychol.8, 962 (2017).
[6] H. W. Mahncke, A. Bronstone, M. M. Merzenich, in Progress in Brain Research, (2006), vol. 157, pp. 81–109.