Comment notre cerveau met en place les automatismes cognitifs
Lorsqu’une action est réalisée pour la première fois, notre cerveau analyse les caractéristiques de la situation de manière à créer un comportement. Ainsi, face à un nouvel outil de travail, comme un logiciel ou un objet, nous identifions chaque aspect et fonctionnalité pour en comprendre l’utilité. Plus nous sommes confronté·e à une situation (ou au même outil), plus notre cerveau devient capable de sélectionner rapidement le comportement à adopter [1]. L’action requiert de moins en moins d’effort pour être exécutée.
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Les bénéfices des automatismes cognitifs
Erreurs et double effort du cerveau en situations spécifiques
S’ils facilitent les tâches quotidiennes, professionnelles ou non, les automatismes cognitifs amènent aussi à effectuer des actions inadaptées face à une situation spécifique ou à un changement dans notre environnement. Si, par exemple, vous avez l’habitude de cliquer en haut à droite de votre écran pour fermer une fenêtre de votre ordinateur, vous allez diriger votre souris à cet endroit même si vous êtes exceptionnellement sur un ordinateur où la fenêtre se ferme à gauche. Il est alors nécessaire d’inhiber cette action automatisée pour en réaliser une autre, ce qui demande un double effort pour le cerveau.
Car une action automatisée est réalisée sans contrôle direct de l’individu. De là naît une rigidité au changement [4]. À cause de cette rigidité au changement, une tâche automatisée peut générer des erreurs si des éléments diffèrent de la situation habituelle. Les outils et environnements professionnels évoluant rapidement, les automatismes que l’on a déjà créés doivent être fréquemment mis à jour.
Autre point d’attention, la baisse du contrôle cognitif. Dans le cadre d’une action automatisée, nous serions plus facilement distrait·e·s. D’autre part, nous serions paradoxalement moins attentif·ve·s à certains éléments pourtant sources potentielles d’erreurs ou de danger. Ainsi, en voiture, sur des trajets connus, nous ferions moins attention, notre cerveau enclenchant des automatismes, ce qui expliquerait qu’il y ait davantage d’accidents en pareilles circonstances [4].
Comment faire face aux risques des automatismes cognitifs ?
Certaines pratiques permettent de limiter les risques associés aux automatismes cognitifs :
- Identifier, dans son environnement physique ou dans la tâche en cours, les sources potentielles d’erreurs. Un·e ouvrier·ère dans le bâtiment pourrait, par exemple, être formé·e pour repérer les éléments susceptibles d’occasionner une blessure ; un·e employé·e de bureau devrait pouvoir estimer si elle·il maîtrise ses nouveaux outils informatiques et identifier les différences avec ses anciens outils.
- Ralentir sur la tâche en cours dès qu’on détecte une source de danger ou d’erreur. En limitant le côté routinier de la tâche pour y apporter le plus d’attention possible, on se laisse suffisamment de temps pour réagir en cas de problème et pour choisir l’action adaptée à effectuer.
- Ne pas sous-estimer l’effort nécessaire pour supprimer une action automatisée, ni le temps pour la remplacer par un autre comportement. Mise en place de formations aux nouvelles techniques et nouveaux outils, temps de pratique pour créer les nouveaux automatismes, droit à l’erreur… Changer nos automatismes cognitifs s’inscrit dans un apprentissage qui nécessite plusieurs semaines.
Références
[1] D. Norman and T. Shallice, Attention to Action: Willed and Automatic Control of Behavior, in Consciousness and Self-Regulation: Advances in Research and Theory IV, R. Davidson, R. Schwartz, and D. Shapiro, Eds. Plenum Press, 1986.
[2] J. J. G. van Merriënboer and P. Ayres, Research on Cognitive Load Theory and Its Design Implications for E-learning,” ETR&D, vol. 53, no. 3, pp. 5–13, Sep. 2005, doi: 10.1007/BF02504793.
[3] CEREMA, Accidentalité domicile-travail et choix modal, 2017.
[4] P. Perruchet, Les Automatismes cognitifs. Editions Mardaga, 1988.