Faire reculer les stéréotypes de genre pour plus d’égalité

#Les collectifs de travail

-#Metoo, la question des genres prend peu à peu sa place dans l’entreprise. Mais si on constate de réels progrès, les sphères économique et politique restent le territoire des hommes. Le point avec les sciences cognitives sur les stéréotypes à déconstruire pour un monde du travail plus égalitaire.
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Publié le 20 mars 2020

Stéréotypes de genres

#Metoo, le sujet de l’égalité entre les femmes et les hommes a pris sa place dans les entreprises. Il était temps ! Selon le Global Gender Gap Report, 135 ans seraient nécessaires pour aboutir à une égalité entre les genres dans le monde sur les questions de responsabilités politiques, participation et opportunités économiques, niveau de scolarisation, santé et survie.

Pourtant, dans certains domaines, l’écart entre les femmes et les hommes n’existe quasiment plus. En Europe de l’Ouest, par exemple, 99,8% des écarts de niveaux d’instruction et 96,7% des écarts en termes de santé et de survie sont aujourd’hui comblés. Mais il reste du chemin en ce qui concerne la participation économique et les responsabilités politiques pour lesquelles, respectivement, 30% et 54,2% des écarts persistent.

Pourquoi, dans ces deux domaines, les disparités entre les femmes et les hommes persistent-elles ? Si le sujet est complexe, les sciences cognitives et comportementales apportent un éclairage pertinent sur la manière dont notre genre nous influence, notamment dans les sphères économique et politique, toutes deux majoritairement gouvernées par des hommes [1].

Des stéréotypes persistants, issus de notre socialisation

Certaines croyances concernant les genres ont la peau dure. Les hommes seraient plus compétitifs, auraient plus confiance en eux, prendraient plus l’initiative dans les relations sexuelles, regarderaient le sport à la télévision… Compréhension, gentillesse, douceur, soin (des enfants, de l’intérieur) seraient des qualités féminines. Ce sont notamment ces stéréotypes de genre qui posent problème.

Car si certaines caractéristiques peuvent être justes  à l’échelle du groupe (les hommes sont plus grands, les femmes prennent davantage en charge les tâches ménagères) cela ne signifie pas qu’elles le sont à l’échelle de l’individu. Certaines femmes sont plus grandes que les hommes. Certains hommes font davantage de tâches ménagères que les femmes. Il est donc problématique d’appliquer à un individu des caractéristiques typiques de son groupe d’appartenance avant même de le connaître. Pourtant, notre cerveau nous amène parfois à avoir recours à ces stéréotypes de genre dans nos prises de décision ou nos jugements envers les autres.

Stéréotypes de genres

L’effet de nos attentes sur notre perception des hommes et des femmes

De très nombreuses recherches ont montré la manière insidieuse dont ces stéréotypes créent des attentes basées sur le genre, et comment celles-ci influencent la manière dont nous allons nous percevoir nous-même et interagir avec l’autre – cela, généralement, à notre insu.

Par exemple, le leadership et l’entrepreneurship en contexte professionnel sont associés à des caractéristiques agentiques en accord avec les stéréotypes associés aux hommes (autorité, prise de risque, confiance en soi). Les femmes, auxquelles on associe le soin ou le lien social, contredisent quant à elles les attentes associées aux positions de leaders ou d’entrepreneures, ce qui n’est pas sans conséquences sur la manière dont elles sont évaluées et récompensées.

Une équipe de recherche a proposé à des participant·e·s d’évaluer deux managers (un homme et une femme) parmi dix, occupant avec succès le poste de vice-président·e des affaires financières (les huit autres étaient des hommes afin de rendre saillant l’environnement fortement masculin du poste). Les résultats ont montré que la femme était moins appréciée, perçue comme plus hostile dans ses relations interpersonnelles, et suscitait moins que l’homme le souhait d’être la supérieure potentielle des participant·e·s [2].

Une double contrainte pour les femmes

Toutefois, lorsque des informations typiquement féminines (telles que « il ou elle est attentionné·e et sensible aux besoins des collaborateur·trices) étaient ajoutées dans la description du ou de la manager, l’écart d’évaluation entre les deux managers n’existait plus. Autrement dit, en l’absence de caractéristiques typiquement féminines, les femmes en poste de haut statut sont pénalisées. Une femme de haut statut devrait donc se comporter en cohérence avec les attentes stéréotypées au risque de se voir jugée négativement. Une double contrainte.

Dans une autre étude, l’équipe de recherche s’est intéressée à la manière dont les fonds d’investissement attribuaient l’argent à des start-up candidates lors d’une célèbre compétition organisée chaque année à New York [3]. Ces chercheur·e·s ont montré qu’avec un dossier de qualité comparable, les hommes entrepreneurs obtenaient une somme d’argent cinq fois supérieure aux femmes, mais surtout que cette différence était liée aux types de questions qui leur étaient posées.

Aux hommes, les investisseur·es posaient des questions plutôt orientées sur les potentiels bénéfices (« Pensez-vous que votre marché est en croissance ? »), alors que celles posées aux femmes concernaient plutôt l’évitement des risques (« Quelles garanties avez-vous mises en place ? »). Les entrepreneur·es répondaient en conséquence, focalisant leurs réponses sur les bénéfices ou les risques. Les stéréotypes des investisseur·es (quel que soit leur genre) sur l’entrepreneurship influençaient le type de questions posées, mettant ainsi plus ou moins en valeur le potentiel de la start-up, pour finalement impacter le montant investi.

Moins de stéréotypes, plus d’égalité

Les stéréotypes de genre perdurent en appui sur un fonctionnement difficile à démanteler. Ils alimentent les normes prescriptives de genre, qui poussent à se comporter en cohérence avec ces normes et assurent une légitimité aux stéréotypes.

Pour rompre ce cercle vicieux et espérer aller vers une égalité de représentation des genres en politique ou aux postes de haut statut, différentes actions peuvent être menées. À l’échelle sociétale, notamment, les lois instaurant la parité en politique et un système de quotas dans les grandes entreprises participent de cet élan.

À l’échelle de l’entreprise, on peut examiner l’ensemble du processus de prise de décision afin d’identifier à quel moment il pourrait être biaisé. Les entretiens sont-ils structurés et conduits en veillant à assurer un traitement équitable ? Avez-vous des critères clairs d’évaluation en amont de l’entretien ? Votre organisation a-t-elle des indicateurs liés au genre permettant de suivre l’évolution dans l’entreprise ?

Avant tout, prendre conscience de ces phénomènes et les considérer au quotidien est indispensable, surtout pour les personnes en position de prise de décision (dirigeant·es, investisseur·es, managers).  Finalement, si nous n’avons pas tou·tes le même pouvoir de faire évoluer l’égalité entre les femmes et les hommes dans l’entreprise, chacun·e peut y participer à son échelle en observant et en questionnant les stéréotypes de genre dans son quotidien de travail.

Références

[1] Ellemers, N. (2018). Gender Stereotypes. Annual Review of Psychology, 69, 275-298.

[2] Heilman, M. E., & Okimoto, T. G. (2007). Why Are Women Penalized for Success at Male Tasks?: The Implied Communality Deficit. Journal of Applied Psychology, 92(1), 81.

[3] Kanze, D., Huang, L., Conley, M. A., & Higgins, E. T. (2018). We Ask Men to Win and Women not to Lose: Closing the Gender Gap in Startup Funding. Academy of management journal, 61(2), 586-614.

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